Trente-six chants d'Elles
Elles la poésie, la musique, la beauté, la joie, l'espérance, la paix... Elles l'indignation, la révolte, la résistance, la révolution, la sagesse... Elle aussi, bien sûr, la femme. La femme qui, quand c'est la mienne, d'une certaine manière contient, génère et protège toutes les pacifiantes féminités précédentes.
Pierre Régnier, octobre 2012
Quelques-unes de mes peintures sont maintenant
présentées par le site du studio Déclic d'Etampes :
http://www.espacedeclic.com (P.R. juin 2014)
Ce site sera probablement fermé à la fin de l'été 2019. Un texte peut en être facilement prélevé et transféré sur papier de la manière suivante : le sélectionner par glissement, dessus, du curseur de l'ordinateur, le copier, le coller sur un nouveau document puis, éventuellement après grossissement des caractères, l'envoyer sur une imprimante.
Après avril 2004 la SACEM a cessé d'enregistrer mes chansons. Je considère donc moi-même que toutes celles qui n'y sont pas sont libres de droits. Mais ce serait correct d'en informer l'auteur si on les chante ou les reproduit.
qu'importe après tout le chemin
et les ronces et les déchirures
il n'est pas de pire souillure
que de sous-vivre son destin
(Je croyais, MMS 1976)
23 mars 2015, dernière chanson déposée : 32/ Rêvez chantez
La mélodie de certaines chansons peut être écoutée en cliquant sur les liens associés à leur titre dans la liste située en fin de site
pour accéder directement aux chansons voir la liste ici
1/ Qu'allais-je faire ?
Je savais ne pas déranger
me taire et me faire oublier
mais quand on croit avoir à dire
se taire c'est comme mourir
qu'allais-je faire
aussi loin de moi-même ?
Il était tard déjà si tard
il faisait noir déjà si noir
quand je compris qu'il n'est pas sage
de garder en soi ses orages
qu'allais-je faire
aussi loin de moi-même ?
Il se pourrait bien que j'en meure
cela à d'autres est arrivé
qui se chantaient la liberté
en cachette comme on la pleure
qu'allais-je faire
aussi loin de moi-même ?
(t et mél PR 1979, VPC 1989)
MMS comme Mourir moins sale (poèmes et chansons) recueil publié en 1976 aux éditions Pierre Jean Oswald
VPC comme Vivre plus clair (poèmes et chansons, après la brisure) recueil publié en 1989 aux éditions Astérakimou
t comme texte, mél comme mélodie, mus comme musique, PR comme Pierre Régnier
2/ Le publiphobe
Au début des années 70, sur les murs du métro parisien une gigantesque pub montrait une tête d'abruti. Le slogan qui le stigmatisait nous prévenait : "en 1970 vous ne pouvez pas vous offrir le luxe d'être publiphobe". Ça m'a donné l'irrésistible envie de me mettre dans la peau de
l'abruti.
quand il faut que le goût
aujourd'hui se mesure
en plus ou moins de dollars à multiplier
quand on me rendrait fou
pour avoir à l'usure
ma volonté de choisir et de résister
en cette ère animale
où règnent les goujats les voleurs et les snobs
moi je suis marginal
et je moffre le luxe d'être publiphobe
quand on veut me dicter
ma manière de vivre
quand on aide le temps à mieux me consumer
quand la publicité
m'abrutit et m'enivre
pour me transformer en machine à consommer
c'est pas mon idéal
souffrez qu'à la hantise moi je me dérobe
je veux rester normal
et je m'offre le luxe d'être publiphobe
quand la fesse et le sein
entre autres marchandises
dans d'habiles négoces me
sont proposés
quand on trouve malsain
que j'écrive bêtise
dans une bulle aux lèvres de la
prostituée
putains du capital
devant ses photographes enlevez votre robe
ça ne m'est pas égal
et je m'offre le luxe d'être publiphobe
quand un journal très bien
sur deux pages me vante
le pays du racisme officialisé
quand avec le dessin
les couleurs chatoyantes
on voudrait m'amener de suite à l'oublier
là-bas c'est très légal
le noir doit être esclave du blanc xénophobe
je dis que c'est scandale
et je m'offre le luxe d'être publiphobe
quand avec leurs moyens
leurs micros leurs finances
ils endorment bon nombre de gens exploités
la méfiance me vient
et l'idée qu'on me lance
sur des chemins où je ne voulais pas aller
la lutte est inégale
quand ils sont les gendarmes aux quatre coins du globe
je dis c'est pas fatal
et je m'offre le luxe d'être publiphobe.
(t et mél PR, MMS 1976)
En 1983 Jean-Philippe Didier a rassemblé un petit groupe de musiciens qu'il a dirigé pour accompagner son chant dans 10 chansons, jouant lui-même de plusieurs instruments. Il y avait Hervé Marguery (basse, piano, synthé), Frédéric Simonetti (guitares électriques), Manuel Régnier (flûte traversière), Philippe Coutanceau, André Coutanceau et Bob Mathieu (percussions, batteries), Laurent Gérôme (pedal steel guitar), Joël Hanriot (harmonica) et Alain Poisson (banjo)
Voir dans la liste finale le lien pour écouter Le Publiphobe chanté par Jean-Philippe Didier en MP3
(t et mél PR 1976, mus Jean-Philippe Didier 1983)
Ce fut ma première chanson. A vingt ans on m'envoya faire la guerre en Kabylie. Mais j'eus la grande chance de ne pas la faire vraiment, car on fit de moi un instituteur. A mon retour en France les enfants de mon école prirent une grande place dans le recueil de mes photos d'ancien soldat, que je titrai "Souvenirs de paix". Puis, à Paris, ils m'inspirèrent cette chanson, sur un peuple qui m'avait beaucoup donné.
Ils nous bâtissent nos maisons
ils nous lavent notre voiture
ils nous enlèvent nos ordures
ils balaient sous notre balcon
le teint plus foncé que le nôtre
et pourtant livides en dessous
souvent maigres comme des clous
ni plus ni moins braves que d'autres
ils sont pourtant beaucoup moins hommes
à ce que l'on entend souvent
on leur consent pour logement
pas des niches mais c'est tout comme
et pourtant pourtant
il est peut-être parmi eux
l'enfant kabyle
qui m'avait permis d'espérer
au temps où j'étais appelé
dans le bourbier.
Dans la poche du pantalon
une photo de l'outre-mer
le portrait d'une vieille mère
aux rides qui en disent long
ils portent sur eux leur fortune
une
identité pour la loi
un récépissé de mandat
peu d'argent beaucoup d'amertume
et puis cet air d'être coupables
à ce que disent les bourgeois
cet air d'être comme chez soi
de s'inviter à notre
table
et pourtant pourtant
il est peut-être parmi eux
l'enfant kabyle
qui m'avait permis d'espérer
au temps où j'étais appelé
dans le bourbier.
S'ils sont un peu plus que polis
s'ils font silence sous l'injure
s'ils n'ont pas trop brillante allure
on ne leur fait pas trop d'ennuis
mais s'ils méprisent le mépris
s'ils osent prendre la parole
quelqu'un leur crie fermez vos gueules
ici c'est pas votre pays
et puis sans plus d'explication
on leur fait passer la frontière
et dans leur pays de misère
ils se retrouvent en prison
et pourtant pourtant
il est peut-être parmi eux
l'enfant kabyle
qui m'avait permis d'espérer
au temps où j'étais appelé
dans le bourbier.
(t et mél
PR, MMS 1976)
Voir dans la liste finale le lien pour écouter L'Enfant kabyle chanté par Jean-Philippe Didier en MP3
(t et mél PR 1976, mus Jean-Philippe Didier 1983)
4/ La galère
à Jean-Philippe
à Jean-Louis
avril 1985
Chantons à boire ou à déboires
chantons d'amour ou d'amitié
on n'a pas tous la même histoire
on n'est pas tout seul à chanter
On n'est pas tous dans la débine
j'en connais pas qui roulent sur l'or
pas forcément copains copines
pas forcément toujours d'accord
On sent pourtant qu'on se ressemble
alors copains on le devient
on fait parfois la route ensemble
et c'est la galère un peu moins
chantons à boire ou à déboires...
Quand on couche à la belle étoile
c'est pas toujours qu'on l'a voulu
c'est parfois qu'on a mis les voiles
sur son cœur et qu'on a trop bu
j'en connais un qui rame dur
mais nom d'un chien qu'il gratte bien
et quand près de moi il assure
dans ma galère je me sens bien
chantons à boire ou à déboires...
On n'est pas en haut d'une affiche
où d'autres se font tout petits
on n'est pas vedette on s'en fiche
c'est en tout cas ce que l'on dit
mais même sans avoir la grosse tête
il arrive qu'on rêve aussi
qu'on a enfin payé ses dettes
qu'on compte moins sur les amis
chantons à boire ou à déboires...
Il arrive que certains soirs
le bruit des fourchettes et des verres
bouffe le son de ta guitare
c'est plus la galère c'est la guerre
alors pour te sentir moins seul
pour accrocher quelques paumés
tu ne chantes plus mais tu gueules
le refrain dit si t'as gagné
chantons à boire ou à
déboires...
Et y a des soirs où la galère
te promène sur des flots bleus
et t'oublies tes petites misères
au beau milieu de gens heureux
ça t'importe ceux qui t'escortent
où que tu traînes ton métier
c'est toujours la vie qui l'emporte
y a tant à dire et à chanter
chantons à boire ou à
déboires...
(t PR, VPC 1989)
5/ Au premier accord de guitare
Plus qu'une véritable chanson, il s'agit ici d'une suite de
"ponctuations" destinées à s'insérer
dans un développement de la mélodie, dont je rêve
qu'elle deviendra une vraie musique sous les doigts d'un bon
guitariste compositeur, sachant chanter tout en jouant.
au premier accord de guitare
mon corps entier n'est qu'une corde
qui sur la guitare s'accorde
au premier accord de guitare
au premier accord de guitare
quelque chose en moi qui s'enflamme
me fait flamber le corps et l'âme
au premier accord de guitare
je suis moi-même un jeu bizarre
au premier accord de guitare
au premier accord de guitare
je me sens devenir moi-même
et la musique et le poème
au premier accord de guitare
au premier accord de guitare.
(t et mél PR, VPC 1989)
6/ Aux bourgeons du calendrier
(chanson pour chanteuse)
aux bourgeons du calendrier
ton rire est partout dans les prés
et je m'éclate à tes côtés
comme bouquets aux cerisiers
une autre en moi s'est éveillée
la vie n'a que des bons côtés
aux bourgeons du calendrier
au soleil du calendrier
sur notre amour irraisonné
au large nous sommes portés
comme aurore à renouveler
une sève en moi s'est levée
mûrissant notre beau projet
au soleil du calendrier
sous la pluie du calendrier
ton rire est un peu clairsemé
et je m'inquiète à tes côtés
tu sembles parfois m'oublier
l'ivresse m'a-t-elle égarée
si ma vie s'était délavée
sous la pluie du calendrier
au givre du calendrier
ton rire s'est comme gelé
et je frissonne à tes côtés
comme branche à l'arbre cassée
l'amour déjà s'est fatigué
mais je ne veux désespérer
au givre du calendrier
aux bourgeons du calendrier
un bien bel enfant nous est né
et tu t'éclates à ses côtés
comme cerises aux cerisiers
j'accroche mon rêve éveillé
nous chantons le prochain été
aux bourgeons du calendrier
(t PR, VPC 1989)
Le nom du site ne vint pas tout à fait par hasard. En comptant les chansons qui n'avaient pas été chantées en public j'atteignis le nombre 36. C'est un nombre que j'aime bien et, par exemple, en mars 2005 j'avais exposé à la galerie municipale de Dax 36 peintures que j'avais nommées "Trente-six échappatoires". Le site à chansons devait donc tout naturellement se nommer "Trente-six chants d'Elles".
7/ Guadeloupe (1)
Guadeloupe
sur la carte bleue des Antilles
entourée de mots magiques
à réveiller le jeune marin qui sommeille
au fond de chacun de nous
Guadeloupe
il m'a donné des idées folles
ton nom qui chante en espagnol
et c'est vers toi que je m'envole
Paris ne sait plus respirer
Guadeloupe
de Vieux-Fort à la Désirade
je suis toujours en promenade
je m'enivre de tes cascades
de ton sable et de tes rochers
Guadeloupe noire
noire et belle comme la nuit
avec le si sérieux si lumineux regard
de tes filles
quand elles ont oublié
les fadaises pour touristes
Guadeloupe
c'est une bien douce compagne
la verdure de ta montagne
je sais qu'à tous les coups j'y gagne
un revenir de mes quinze ans
Guadeloupe
mais de Pointe-Noire à Sainte-Anne
je vois de tristes paysannes
et je maudis tes champs de canne
où l'on avilit tes enfants
Guadeloupe blanche
blanche comme la gêne qui se balance
entre l'amour des gros sous
pas très propres
et la simple douceur de vivre
aux côtés de toutes les couleurs
Guadeloupe
l'océan t'aime à sa manière
plutôt brutale et meurtrière
il t'envoie d'affreuses mégères
qui ont pourtant des noms charmants
mais Guadeloupe
Dame Cléo ou Dame Inès
jamais derrière elles ne laissent
que ruines et mort et détresse
à perdre espoir et sentiment
et pourtant
pourtant Guadeloupe
j'ai bien cru ce jour-là
que tu avais enfanté dans la douleur
d'une fille Fraternité
j'ai bien cru qu'on allait oublier
pour toujours
si l'on était petit-fils de maître
ou descendant d'esclave
mon beau rêve a duré
le temps d'une rafale
Guadeloupe
on a colorié les façades
de tes habitations malades
pour plaire aux gens de la Louisiane
de New York et du Saint-Laurent
mais Guadeloupe
t'es pas couchée dans ta misère
avec tes révolutionnaires
tu sais mettre de la lumière
au cœur de chaque adolescent
Guadeloupe rouge
rouge comme l'espoir qui claquait
dans les flamboyants de la Sierra
quand elle était en colère
à Cuba
Guadeloupe
tu m'as donné à Matouba
les sourires des enfants que je rencontrais
dans mes rêves de voyage
à Calcutta
Guadeloupe
Il m'a donné des idées folles
ton nom qui chante en espagnol
et je veux prendre la parole
pour te dire et pour te chanter.
(t et mél PR, MMS 1976)
Il y a des moments bénis dans la création d'une chanson.
J'étais seul sur la plage du Havre et il faisait beau mais, devant moi, sur la mer, le ciel n'était qu'une lourde masse noire très menaçante. Il n'y avait qu'un bateau sur cette mer, un voilier blanc qui, sans doute, se pressait de rentrer au port. Les premiers mots d'une chanson sont venus tout seuls, sur une mélodie également créée instantanément. Puis, en quelques minutes, quatre couplets ont suivi. Je n'ai eu qu'à en trouver un cinquième, un peu plus tard à l'hôtel, pour conclure cette chanson que j'aime beaucoup et dans laquelle je ne suis nullement concerné.
8/ Mon beau voilier blanc
(version masculine)
mon beau voilier blanc
sur la mer est parti
mes rêves au dedans
et la femme aussi
qui était ma vie
mon beau voilier blanc
sur la mer est parti
moi je reste ici
ma belle et l'amant
vont refaire la vie
et c'est en chantant
qu'elle l'a suivi
je l'entends qui rit
ma belle et l'amant
vont refaire la vie
moi je pleure ici
suis seul à présent
n'ai plus même un ami
j'en avais un pourtant
avant aujourd'hui
mais il m'a trahi
suis seul à
présent
n'ai plus même un ami
l'amant c'était lui
un beau voilier blanc
sur la mer est parti
un homme est dedans
mais c'est la folie
qui l'y a conduit
un beau voilier blanc
sur la mer est parti
sous un ciel tout gris
la vague et le vent
vont se mettre en furie
c'est en le sachant
que l'homme est parti
mourir loin d'ici
un beau voilier blanc
va périr cette nuit
l'histoire est finie.
(t et mél PR, MMS 1976)
Les poètes
Ils ne sont pas très différents
ils rêvent ils doutent ils désespèrent
ils veulent la fuite en avant
mais pour faire un monde à l'envers
Ils courent ils tombent mais aussi
ils ont un culot incroyable
ils osent dans leurs graffitis
croire la vie presque vivable
Ils chantent ils riment ils prosodient
ils fêtent à doses alcoolinaires
d'étranges produits de l'esprit
plus vrais que notre imaginaire
Je les fréquente et m'en sens bien
je veux avoir tout à ma table
leurs chefs d'œuvre leurs petits riens
ils font ma vie plus que vivable
En cet aujourd'hui qui chavire
pour la laideur et pour le pire
ils sont l'art ils sont la beauté
ils sont ma bouée ma liberté.
(PR. texte publié dans le N°15 de la revue Plein Sens en janvier 2009)
9/ Vie ratée
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai été juif à Varsovie
j'ai été enfant d'Oradour
j'ai été protestant le jour
de la saint Barthélémy
moi
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'étais de ceux d'Hiroshima
j'étais dans les wagons d'Auschwitz
j'étais paysan à Lidice
j'étais curé à Guernica
moi
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai été noir à Prétoria
au Québec j'étais nègre blanc
j'étais squelette au Pakistan
j'étais un gosse du Biafra
moi
moi qui vivais sans foi ni joie
entre purgatoire et enfer
moi qui n'ai jamais rien su faire
de valable de mes dix doigts
avoir
honteux et pauvres souvenirs
savoir
derrière soi son avenir
n'avoir
pas même le goût d'aujourd'hui
ah que c'est triste d'avoir raté sa vie
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai été juif à Varsovie
à Athènes j'étais démocrate
j'étais catholique à Belfast
communiste en Indonésie
moi
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai refusé d'être para
j'ai mis crosse en l'air dans le Rif
j'ai été bougnoule à Sétif
et Palestinien à Gaza
moi
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai été poète à Moscou
j'ai gueulé mon espoir en Prague
avec cent autres qui divaguent
on m'a interné chez les fous
moi
on m'a fait taire tant de fois
moi qui n'ai jamais protesté
moi qui n'ai pas même essayé
d'élever rien qu'un peu la voix
avoir
honteux et pauvres souvenirs
savoir
derrière soi son avenir
n'avoir
pas même le goût d'aujourd'hui
ah que c'est triste d'avoir raté sa vie
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai été juif à Varsovie
j'ai été brûlé au napalm
par les bombes U.S. au Vietnam
emprisonné en Bolivie
moi
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
j'ai été Christ en Galilée
j'ai reçu le coup de Juda
j'étais de ceux qu'on fusilla
contre le mur des fédérés
moi
sans avoir jamais quitté mon lit
moi
au cachot ma tête a blanchi
j'ai essuyé tant de crachats
on m'a cloué sur tant de croix
moi qui n'ai jamais pris parti
mais
mais à quoi sert de pleurnicher
on ne peut pas sa vie entière
ne regarder que par derrière
un jour il faut se retourner
avoir
honteux et pauvres souvenirs
mais voir
devant soi un autre avenir
avoir
à nouveau le goût d'aujourd'hui
c'est jamais pour toujours qu'on a raté
sa vie.
(t et mél PR, MMS 1976)
Une autre manière de dire ma publiphobie :
10/ Ma femme n'est pas bien faite
Je me croyais très très heureux
naïvement avec la femme
qui m'a fait don de corps et d'âme
je croyais en être amoureux
celle-là même pour
laquelle
j'aurais donné tout mon avoir
celle qui au lit chaque soir
me promenait au septième ciel
du moins je le croyais très fort
ayant mal étudié son corps
mais ce matin
je le sais bien
cette femme n'est pas bien faite
Hier j'ai lu en page sept
d'un très grand quotidien du soir
les dimensions qu'il faut avoir
pour être une femme parfaite
dès le dîner sans plus
attendre
j'ai jeté au fond de son verre
quelques gouttes
de somnifère
elle est allée vite s'étendre
et plus tard quand elle dormait
très angoissé je mesurais
et ce matin
j'en suis certain
cette femme n'est pas bien faite
Grâce donc à mon quotidien
j'appris ainsi que la coquine
savait mentir de la poitrine
de la cuisse et du bas des reins
en homme qui vit dans son temps
je voulus corriger l'erreur
et la traîtresse fut sur l'heure
chassée de mon appartement
elle s'est sauvée en pleurant
et mentant du déhanchement
mais moi de loin
je le vis bien
que cette femme était mal faite
Après
bien des nuits d'insomnie
un jour enfin j'ai découvert
une fille aux courbes sincères
qui me voulut bien pour ami
je craignais de nouveaux déboires
et j'avais avec minutie
comparé son anatomie
à celle du journal du soir
j'avais ainsi pu vérifier
qu'elle est très bien proportionnée
donc à présent
c'est évident
ma nouvelle femme est bien faite
Elle vit toujours au beau fixe
n'abîmant jamais ses prunelles
dans la lecture des nouvelles
ou de Popeye ou d'Astérix
naturellement j'en suis ravi
car le nombril qu'elle contemple
pourrait être pris pour exemple
par bien des reines du nombril
et tout le reste est ainsi fait
que c'est encore plus que parfait
quant au cerveau
elle l'a gros
comme un cinquième de noisette
Voilà quatre jours que ça dure
et je suis pour le moins surpris
j'ai l'impression qu'elle
m'ennuie
aurais-je mal pris les mesures
le mètre étalon
consulté
il me fallut à l'évidence
reconnaître
que les distances
avaient été bien mesurées
alors je n'y comprends plus rien
car les articles montrent bien
que le dessin
des reins des seins
est celui des femmes parfaites
0n ne peut donc avoir confiance
ni dans les yeux des demoiselles
ni dans son journal habituel
quelle époque de décadence
au téléphone la première
je suppliai de revenir
lui promettant de ne plus lire
aucune feuille mensongère
non je vis m'a-t-elle répondu
très heureuse avec un bossu
et elle croit
que mieux que moi
il a la cervelle bien faite.
(t et mél PR, MMS 1976)
les droits d'hauteur
les droits d'hauteur
les droits de caniveau
ça sème ça sème
et peut-être aussi ça récolte
mais on voit mal où et comment
les droits d'hauteur
les droits de caniveau
ça s'aime ça s'aime
de l'amour où va la récolte ?
on voit mal à qui sont les chants.
La chanson Au creux de chacun de nous a été écrite sur une mélodie très lente, très "coulante". J'aimerais pourtant l'entendre avec, en arrière-plan, une musique très vive, très rythmée, très "frappée". Je crois que ce contraste lui conviendrait parfaitement, à condition que la voix reste très dominante.
11/Au creux de chacun de nous
au creux de chacun de nous
s'amoncellent les projets ratés
au creux de chacun de nous
mille belles idées fanées
aux sept hivers des cinquante semaines
cinquante fois chaque année recomptées
sans avoir pu jamais reprendre haleine
à nos soupirs nous aurons succombé
au creux de chacun de nous
grandit le coin de l'amertume
où les sans-gêne habitudes
sont en train de dévorer tout
cent fois je suis parti en guerre
pour défendre la liberté
oui mais cent fois j'ai combattu mon frère
qui croyait à une autre vérité
au creux de chacun de nous
mille fleurs qu'on n'a pas portées
au creux de chacun de nous
mille pleurs qu'on a provoqués
de beaux amours passent au maquillage
pour ne pas voir s'écouler les années
nous n'irons pas jusqu'au bout du voyage
avec nos rêves intacts à nos côtés
au creux de chacun de nous
combien de belles sérénades
qui n'étaient que fanfaronnades
dont il ne reste rien du tout
cent fois j'ai cru trouver réponse
dans la prunelle de tes yeux
oui mais il a fallu que je renonce
aux certitudes que l'on vit à deux
et pourtant
au cœur de chacun de nous
mille petits soleils
à démentir ma lassitude
au cœur de chacun de nous
de nouvelles idées sont nées
au cœur de chacun de nous
de nouvelles journées comblées
et c'est demain plus bleu qui recommence
cent mille fois chaque année j'ai trouvé
la jolie fleur qu'on nomme l'espérance
au jardin de mes plus sombres pensées.
(t et mél PR, MMS 1976)
La lecture d'un livre de Claude Roy sur les Chansons de la marine à voile m'a inspiré Gabiers des vieux bâtiments. Jean-Philippe Didier en a fait une très belle interprétation mais, après réflexion, j'ai pensé que les dernières lignes furent peut-être la principale cause de son impossibilité de trouver un éditeur pour faire un disque de mes dix chansons enregistrées par lui en 1983 :
aujourd'hui
quand on est dans le vent
on n'est rien d'autre qu'un commerçant.
Une sottise de presque jeunesse. Une provocation sans véritable fondement. Un handicap, à coup sûr, pour un jeune interprète qui se lance dans le métier. J'ai par la suite changé mais un peu tard, la conclusion de ma chanson.
J'ai perdu toute trace de Jean-Philippe, fort déprimé après l'échec, mais j'espère encore le retrouver un jour, son talent enfin reconnu.
12/ Gabiers des vieux bâtiments
(à
Claude Roy)
vous écoutiez chanter le vent
gabiers des vieux bâtiments
vous écoutiez chanter les plaines
gabiers de misaine
vous écoutiez puis en descendant
gabiers des vieux bâtiments
faisiez connaître la chanson
gabiers d'artimon
et quand
vous gambergiez en haute mer
en flirt avec le firmament
le vent imitait gentiment
la voix des filles de la terre
il apportait de Lorient
de Saint-Malo de La Rochelle
un joli froufrou de dentelles
des chuchotements des serments
vous écoutiez…
le vent
quand il voulait vous faire injure
et vous mettre à mal au-dedans
il persiflait dans la voilure
que fait ta belle en ce moment ?
il dessinait dans les nuages
son corps et celui d'un amant
qu'il lui inventait au rivage
ou qu'il n'inventait pas vraiment
vous écoutiez…
le vent
criait ce que taisaient les hommes
quand ils revenaient des combats
et ceux qui n'en revenaient pas
devaient trouver la chose bonne
quand la chanson à sa manière
quand la chanson même un peu tard
s'en allait partout crier gare
gare à cette garce de guerre
vous écoutiez…
le vent
transportait mieux que Gutenberg
les tragédies et les romans
vous appreniez des courants d'air
toute la vie des continents
et s'il arrivait que le vent
n'avait rien à faire savoir
alors il inventait l'histoire
ou c'était vous en descendant
vous écoutiez…
ce temps
c'était un temps où la chanson
vitale comme eau de fontaine
colportait en rime et raison
les chimères contemporaines
c'était un temps où la chanson
valait la joie valait la peine
c'était un temps où la chanson
racontait l'aventure humaine
aujourd'hui
quand on est dans le vent
c'est pas souvent qu'on va chantant
vous écoutiez chanter le vent
gabiers des vieux bâtiments
vous écoutiez chanter les plaines
gabiers de misaine
vous écoutiez puis en descendant
gabiers des vieux bâtiments
faisiez connaître la chanson
gabiers d'artimon.
(t et mél PR 1976, VPC 1989)
Voir dans la liste finale le lien pour écouter Gabiers des vieux bâtiments chanté par Jean-Philippe Didier en MP3
(t et mél PR 1976, mus Jean-Philippe Didier 1983) :
Un jour j'ai lu quelque part qu'il existe des chansons poétiques. Et j'ai immédiatement voulu faire une chanson poétique. J'ai cherché mais n'ai pas trouvé, une méthode pour faire une chanson poétique. J'ai donc compris que je devrais me débrouiller tout seul pour la faire, ma chanson poétique. J'ai cherché cherché encore cherché, puis tout à coup, un jour plus généreux que les autres : Bon Dieu mais c'est bien sûr, ça doit être comme ça qu'on fait une chanson poétique !
13/ J'erre et j'aime en vers
En poésie comme à la guerre
on me dit plutôt mal armé
je vais pourtant dans les prés vers
l'amour pour le poétiser
je vais pourtant dans les prés
vers l'amour
pour le poétiser.
J'y ai vu les seins de Pauline
et j'en reste encore baba
j'oublie dans ces cas-là Martine
Martine qui ne le sait pas
j'oublie dans ces
cas-là
Martine
qui ne le sait pas.
Pour dire mon amour à Pauline
maladroitement mon stylo
sur la page blanche dessine
essayant de trouver les mots.
Je rêve et devine sans peine
la dénudant dans mon cerveau
de sa peau la douceur vers l'aine
et son corps autour des reins beau
de sa peau la douceur
vers l'aine
et son corps autour des reins, beau !
Je cherche et trouverai les vers
je saurai dire ma passion
car mon poème à Pauline erre
mais dans la bonne direction
car mon poème à Pauline
erre mais
dans la bonne direction
Je sais très bien ce que l'on pense
que je suis plutôt fou à lier
que poète même en errance
mais l'amour me fait m'entêter.
Si de mes rimes et de mes vers
mon poème ne sort pas beau
peut-être qu'il sort beau de l'air
qu'un ami a mis sur mes mots
peut-être qu'il sort beau
de l'air
qu'un ami a mis sur mes mots
En amour comme dans les vers
on peut dans les mots s'égarer
mais il faut bien aimer ses airs
quand aux autres on veut les chanter
mais il faut bien aimer
ses airs
quand aux autres on veut les chanter
Sur ma page folle dessinent
en se mélangeant mes stylos
des poètes qui s'imaginent
changer mes amours et mes mots.
Mais j'ai tant besoin de Martine
qui n'est pas que dans mon cerveau
que sans regret j'oublie Pauline
la laissant errer dans les mots
que sans regret j'oublie Pauline
la laissant
errer dans les mots.
(t et mél PR, mus Laurent Clergeau 2003)
(Ce texte a été publié dans le numéro 1
de la revue PLEIN SENS en août 2004)
Des amis, qui connaissent les mélodies de mes chansons, me demandent si un chanteur sachant s'accompagner d'un instrument ou d'un orchestre est autorisé à les chanter sur d'autres musiques. La réponse est oui, mais les éventuels compositeurs interprètes doivent savoir que la SACEM, qui me l'a fait savoir par écrit, n'enregistre qu'un seul nom de compositeur, le premier, pour chaque chanson.
J'étudie le moyen de rendre accessible au plus grand nombre de visiteurs le son des deux chansons déjà enregistrées par Jean-Philippe Didier et déposées ici. Je ferai de même avec ses interprétations déposées à l'avenir et avec les mélodies que, éventuellement, je chanterai moi-même a cappella pour en donner une idée. Mais aucun interprète ne sera tenu de chanter mes chansons avec leur mélodie d'origine.
Ce site n'est qu'un moyen
d'éviter que l'un de mes principaux échecs ne reste que
cela.
14/ On est embarqué
Chacun est sûr de sa boussole
chacun pourtant perdra le nord
et passera par-dessus bord
il ne sert à rien qu'on s'affole
on n'est pas tout seul
qu'on soit fier qu'on courbe le dos
qu'on soit très laid qu'on soit très beau
on n'est jamais qu'un numéro
la vie mouvante comme l'eau
nous mène en bateau
il ne sert à rien de pleurer
qu'on soit grand prince ou va-nu-pieds
si le bateau vient à couler
avec d'autres on va chavirer
on est embarqué
Si un trop mauvais capitaine
veut nous mettre boulets aux pieds
on se bat comme un enragé
pour tenter de briser ses chaînes
tranquille et sans haine
qu'on joue la loi ou le complot
qu'on soit un saint ou un salaud
qu'on soit mousse ou
vieux matelot
on ne maîtrise pas le flot
qui joue notre peau
il ne sert à rien de pleurer
qu'on soit grand prince ou va-nu-pieds
si le bateau vient à couler
avec d'autres on va chavirer
on est embarqué
Mais avant d'aller boire la tasse
si l'on ose se mutiner
on peut foutre à l'eau son geôlier
le temps qui geint le temps qui passe
et qui nous efface
et si en toute liberté
on donne en fixant l'horizon
un coup de barre à la chanson
on sera peut-être sauvé
on est engagé
la vie alors c'est insensé
on le découvre sans regrets
après avoir bien navigué
la vie vaut bien d'être essayée
on est engagé.
(t et mél PR, MMS 1976)
15/ Si tu veux me revenir
Il est passé tant d'eau sous les ponts
tant de givre sur les feuillages
tant de rides sur mon visage
tant d'amertume en mes chansons
en mes chansons
tu étais le refuge tu étais la raison
toi qui donnais leur couleur aux saisons
et le sens à la vie et le calme à la chair
toi qui étais mon souffle ma lumière
ma lumière
de longues journées en semaines
de crépuscules en aurores
il y a longtemps que mon corps
a mis mon âme en quarantaine
en quarantaine
mais si tu veux me revenir
mettre au présent mes souvenirs
ma porte te sera
toujours ouverte
cette alcôve en mes bras
toujours offerte
Et la mer et la pluie et le vent
en tempête dans tes cheveux
et l'eau claire au bleu de tes yeux
et ma fête mirée dedans
mirée dedans
et tes cris et tes rires aux chants d'oiseaux mêlés
tes dessins fous dans la neige et les blés
tes cabrioles et tes entrechats dans le ciel
l'imaginaire par toi fait réel
fait réel
c'est ce que mon cœur me répète
est-ce à jamais que j'ai perdu
ces instants de temps suspendu
comme en prière de poète
de poète
mais si tu veux me revenir
mettre au présent mes souvenirs
ma porte te sera
toujours ouverte
cette alcôve en mes bras
toujours offerte
Il fallut à mes mains désapprendre
les plus vitales promenades
la mémoire des escapades
à mes lèvres je dus défendre
oui défendre
et puis il fallut feindre d'avoir trouvé l'oubli
et voyager jusqu'au bout de la nuit
courir des océans traverser des déserts
l'esprit futile et durci comme pierre
comme pierre
à quoi bon naviguer encore
se diriger vaille que vaille
sans boussole et sans gouvernail
quand il n'est même plus de port
plus de port
mais si tu veux me revenir
mettre au présent mes souvenirs
ma porte te sera
toujours ouverte
cette alcôve en mes bras
toujours offerte
Il est passé tant d'eau sous les ponts
et tant d'écume sur les grêves
tant de patine sur mes rêves
tant de voiles sur ma raison
sur ma raison
mais si tu veux me revenir
mettre au présent mes souvenirs
ma porte te sera
toujours ouverte
cette alcôve en mes bras
toujours offerte
(t et mél
PR, MMS 1976)
Pour
une Marseillaise pacifiante
(paroles de Pierre Régnier, sur une idée de José Bové,
musique inchangée, mars 2007)
1/ Chantons enfants de la patrie
De beaux espoirs se sont levés
Pour l’avenir une autre vie
Bien plus belle est à préparer (bis)
Changeons compagnons et compagnes
L’air des bureaux des ateliers
Sachons protéger les vrais blés
Et tous les vrais fruits de nos campagnes
Aux rêves citoyens
Ensemble imaginons
Faisons faisons
Qu’une eau très pure abreuve nos sillons
2/ Tous les habitants de la terre
De notre peuple sont amis
Pour vaincre avec eux la misère
Dans la paix nous serons unis (bis)
Pour des repas plus équitables
Pour une autre répartition
Sur la planète nous ferons
Une fraternité très durable
Aux rêves citoyens...
3/ La culture multicolore
L’école sans publicité
Feront nos enfants plus encore
Amoureux de la liberté (bis)
Pour ces lendemains libertaires
Sachons créer de la beauté
Sachons protéger nos pensées
De la cynique loi financière
Aux rêves citoyens...
Cette proposition de trois couplets pour un texte alternatif à celui de La Marseillaise a été publiée, parmi d'autres, sur le site Agoravox en commentaire à l'article de Mathias Delfe du 16 octobre 2008 "Et si on arrêtait plutôt La Marseillaise?". On a pu trouver ambigüe "la culture multicolore" enseignée à l'école, la confondant avec le déplorable multiculturalisme qui invite les pays à détruire leurs traditions, leurs meilleurs acquis culturels et politiques pour satisfaire les destructeurs des nations et les adeptes du "remplacement des peuples" par l'immigration non contrôlée. Dans mon esprit, l'ouverture sur les cultures du monde à l'école doit au contraire conduire au respect de chacune d'entre elles en son milieu naturel et historique, et à l'étude des adoptions culturelles éventuelles en d'autres milieux seulement si elles permettent un "mieux-vivre-ensemble".
Ma chanson préférée
16/
L'enfant
un cri
une femme refait le monde
par tous les temps
à chaque instant
l'enfant
voici
garçon noir ou fillette blonde
le cœur battant
des continents
l'enfant
l'enfant
quand s'approchent les années
fades
l'enfant bondit l'enfant sourit
au centre de nos tricheries
au cœur de nos rires malades
l'enfant
c'est une étoile dans le soir
la première brise au matin
la lumière sur le chemin
de qui n'espérait jamais voir
un cri
l'espoir à nouveau nous inonde
voici le chant
réconfortant
l'enfant
finies
nos angoisses les plus profondes
ressuscitant
nos sentiments
l'enfant
l'enfant
c'est la clarté qui se hasarde
dans notre univers nébuleux
le livre le plus fabuleux
ouvert à la page de garde
l'enfant
c'est le rêve grandeur nature
c'est notre idéal incarné
c'est le poème inachevé
qui trouve à nouveau nourriture
un cri
c'est l'ouverture au chant du monde
qu'on réapprend
en ragardant
l'enfant
voici
dans la paix comme dans la fronde
nous rachetant
nous justifiant
l'enfant
l'enfant
c'est l'espérance malhabile
notre passé innocenté
c'est la révolte purifiée
c'est la révolution tranquille
l'enfant
c'est le baume sur la blessure
que les années n'ont pas fermée
c'est l'homme enfin humanisé
dans notre vision du futur
l'enfant.
(t et mél PR, MMS 1976)
Ma seconde chanson, écrite dans les années 60, un peu après L'enfant kabyle
17/ Etranger à Tizi-Ouzou
oh amis écoutez
le chant d'un champ de guerre
qu'un homme aux rêves doux
fait en terre étrangère
loin de la douce amie
qu'il embrassait naguère
dans sa lettre il lui dit
la couleur de la terre
couleur soleil et feu
et couleur de lumière
il lui dit les oiseaux
les fleurs et les rivières
apparut l'ennemi
les combats commencèrent
et l'homme au cœur si doux
sut si bien faire la guerre
qu'un coup de son fusil
mit l'ennemi par terre
mais quand il s'est penché
sur le visage blême
l'a vu au fond des yeux
une pareille gêne
l'a pas du tout connu
mais l'a tué quand même
femme de l'ennemi
longtemps sera souffrante
enfants de l'ennemi
n'ont plus leur voix riante
ils ne danseront plus
dans les genêts la menthe
dans ses lettres il lui dit
la couleur de la terre
couleur feu refroidi
couleur pluie de misère
couleur que fait le sang
quand il coule par terre
attention va parler
crier l'homme de guerre
oh femme à tes enfants
bouche donc les oreilles
qu'ils ne fassent jamais
de conneries pareilles
oh femme à tes enfants
bouche donc les oreilles
qu'ils ne fassent jamais
de conneries pareilles.
(t et mél PR, MMS 1976)
18/ Dieu n'est pas mort
Un gamin sortant de l'école pleure de n'avoir pas pu suivre
un autre gamin prend sa main et lui donne son plus beau livre
non Dieu n'est pas mort
Une putain fille de rien pour les hommes une bagatelle
gifle le visqueux paresseux qui tire bénéfice d'elle
non Dieu n'est pas mort
Des rives du Mississipi dans la nuit s'élève un chant noir
qui porte la misère humaine sur des mélodies d'espoir
non Dieu n'est pas mort
Un mois d'octobre à Pétrograd fait basculer la suffisance
cinquante années plus tard à Prague un autre peuple recommence
non Dieu n'est pas mort
Non Dieu n'est pas mort
il en est tant qui luttent encore
De bons chrétiens bons militants savent être bons camarades
ils écrivent fraternité sur de païennes barricades
non Dieu n'est pas mort
Un curé riche quelque part dans la montagne colombienne
laisse là le confort il se fout la peste prolétarienne
Non Dieu n'est pas mort
Un tout petit pays d'Asie souffre une très cruelle guerre
une lueur en permanence nous arrive de ses rizières
non Dieu n'est pas mort
Le géant qui fut libertaire aujourd'hui rase ses villages
le petit peuple en résistant rappelle aux autres le courage
non Dieu n'est pas mort
Non Dieu n'est pas mort
il en est tant qui luttent encore
De longues années je n'étais pas de compagnie souriante
pourtant ma compagne en riant toujours traverse la tourmente
non Dieu n'est pas mort
Si nous ne sommes pas crevés du si lamentable spectacle
de notre conscience tranquille il nous faut bien croire au miracle
non Dieu n'est pas mort
Non Dieu n'est pas mort
il en est tant qui luttent encore
non Dieu n'est pas mort.
(t et mél PR 1973, MMS 1976)
Après qu'on se soit un peu chamaillé sur les bases théologiques de la violence religieuse un curé
sympa, pas rancunier du tout, a déposé cette chanson sur son excellent site En manque d'église. Par la suite
il a déposé quatre reproductions de mes peintures que j'avais fait tirer en cartes postales à l'occasion de mon
exposition Trente-six échappatoires de 2005 à la galerie municipale de Dax. On peut les voir encore aujourd'hui, avec
leurs légendes en copiant/collant dans Google : poisson ou oiseau ? en manque d'église Pierre Régnier
19/ à Abdessatar
Un ami, Abdessatar, préparait un petit film sur l'incompréhension, chez une honnête petite bourgeoise,
de la révolte contre l'injustice. Il me demanda d'écrire une chanson pour illustrer ou accompagner le film.
Je suis de ceux qui sans problèmes
déroulent une vie quotidienne
entre salon et jardinet
entre librairie et télé
je suis discrétion politesse
je n'ai pas mon nom dans la presse
à la page des vilénies
des crimes ou des coucheries
alors pourquoi l'affolement
pourquoi cet air de jugement
cette détresse qui s'attarde
chez cet homme qui me regarde
si l'on voulait y réfléchir
on trouverait peut-être à dire
mais à quoi bon
mais à quoi bon
à quoi bon faire une chanson
de ce qu'on jette à l'homme
de ce qu'on donne aux bêtes
de ce qu'aux bêtes on donne
de ce qu'à l'homme on jette
à quoi bon faire une chanson
puisque dans le monde où nous sommes
rien jamais ne manque à personne
et le malade
dans la ballade
c'est celui qui questionne.
Je ne suis pas bien difficile
je laisse les autres tranquilles
j'ai l'estime de mon quartier
qui ne m'entend pas réclamer
je suis contre toutes les guerres
je
veux l'harmonie sur la terre
mon voisin ou l'humanité
je les aime à égalité
alors pourquoi mettre à présent
chez moi tout ce dérangement
pourquoi tous ces poings qui se serrent
chez tous ces enfants en colère
si l'on voulait y réfléchir
on pourrait cesser de dormir
mais à quoi bon
mais à quoi bon
à quoi bon faire une chanson
de ce qu'on jette à l'homme
de ce qu'on donne aux bêtes
de ce qu'aux bêtes on donne
de ce qu'à l'homme on jette
à quoi bon faire une chanson
puisque dans le monde où nous sommes
rien jamais ne manque à personne
mais le malade
dans la tornade
c'est celui qui s'étonne.
(t et mél
PR 1979, VPC 1989)
20/ L'enfant en voyage
Cosinus et omnibus
l'enfant apprend son latin
mais c'est au marché aux puces
que sa tête est ce matin
il achète à un marchand
un beau pigeon voyageur
puis ils s'envolent sur l'heure
et décollent du cadran
ils vont jusqu'en Amérique
où monsieur Christophe Colomb
débarqua dans une crique
pleine de sucre en bâtons
ils font leur première escale
chez les sioux les mohicans
qui leur trouvent le teint pâle
et les soignent en dansant
l'enfant demande au cacique
un arbre pour faire pipi
car ça n'est pas très pratique
contre le mur du tipi
eh maman maman comment donc
comment apprendre ses leçons
tout en écoutant la chanson
du petit serin du salon
qui exécute si joliment
les trilles appris par sa maman
(pont musical : petite mélodie alerte, trilles, en sifflets d'oiseaux)
Un iguane en Guadeloupe
comme un lézard à la loupe
promène une mangoustine
vêtue d'un manteau d'hermine
une tortue aquatique
court derrière une gazelle
un raton fait sa vaisselle
dans un ruisseau du Mexique
un corbeau voit un renard
perché sur un fromager
il lui propose un cigare
l'autre se met à chanter
ça fait grogner La Fontaine
qui met du vin dans son eau
passent Rimbaud et Verlaine
ils en emplissent un tonneau
maman maman quel bonheur
dans les arbres de là-bas
il pousse des avocats
mais jamais des procureurs
eh maman maman comment donc
comment apprendre ses leçons
tout en écoutant la chanson
du petit serin du salon
qui exécute si joliment
les trilles appris par sa maman
(pont musical)
Sous un saule qui pleurniche
un poulain une pouliche
se débarbouillent se douchent
accompagnés par les mouches
un oiseau mouche un enfant
dans un petit napperon
un poisson scie l'hameçon
que lui tend un goéland
un rat musqué se démasque
souffle dans sa sarbacane
c'est presque la tramontane
ça plaît à monsieur Mistral
qui déclare à Roumanille
ça va porter aux Antilles
les merveilles provençales
maman dit à son garçon
redescends donc sur la terre
tu as tes devoirs à faire
ça n'est pas ça tes leçons
eh maman maman comment donc
comment apprendre ses leçons
tout en écoutant la chanson
du petit serin du salon
qui exécute si joliment
les trilles appris par sa maman
(pont musical)
À un oiseau à aigrette
qui boude dans un boudoir
une serpente à sornettes
raconte une belle histoire
un lamentin se lamente
il voudrait bien l'écouter
amoureux de la serpente
il n'a pas le droit d'entrer
une baleine se glisse
dans le corset d'une dame
qui s'évente qui se pâme
rouge comme une écrevisse
un brillant macaroni
en grand habit de queue nouille
se met à chercher ses pouilles
sur la carte d'Italie
mais maman à son garçon
dit vraiment tu me désoles
ce n'est pas ça qu'à l'école
on a mis dans tes leçons
eh maman maman comment donc
comment apprendre ses leçons
tout en écoutant la chanson
du petit serin du salon
qui exécute si joliment
les trilles appris par sa maman
(fin musicale)
(t PR 1979, VPC 1989)
J'ai vu Natasha Bezriche chanter Léo Ferré
Il n'y a pas de retenue, chez l'artiste, quand il s'agit d'exprimer la profession de foi du poète. C'est haut et fort, avec toute la puissance de sa voix superbe qu'elle chante Ni dieu ni maître. Mais elle sait aussi faire appel à la nuance vocale pour faire entendre, avec une grande sensibilité, des richesses peut-être encore insoupçonnées des textes de Ferré.
Le poète est couché il n'a plus rien à dire
plus rien à désigner à combattre à maudire
ses cordes de gisant l'empêchent de chanter
mais nous pouvons encore en beauté l'écouter.
21/ Guadeloupe (2)
c'est pas tout à fait par hasard
si je vous chante les amis
une île au coeur de ma mémoire
elle a tout chamboulé ma vie
je ne peux cacher son image
je ne peux trouver le repos
je veux refaire le voyage
je veux reprendre le bateau
sa montagne est verte camarades
sa montagne est verte
je veux revoir la Désirade
tu as le sourire facile
et tu sais tout mettre en chansons
mais tes paysages tranquilles
ont de très mauvais compagnons
Cléo Inès te font des bises
sûr que tu t'en passerais bien
ça fait des morts dans tes églises
l'océan n'est pas ton copain
la montagne est grise camarades
la montagne est grise
la Guadeloupe est bien malade
ton langage est une musique
tu mets des fleurs dans tes couplets
tu n'as pas oublié l'Afrique
celle qui t'apprit à danser
bien des amants te tournent autour
sans se soucier de tes désirs
mais s'ils te font si bien la cour
c'est pour t'empêcher de grandir
la montagne est grise camarades
la montagne est grise
j'entends de fausses sérénades
la haine n'est pas ta manière
tu ne t'exprimes qu'en douceur
mais tu sais te mettre en colère
quand on insulte ta couleur
si y a du sang sur ta Victoire
si t'as des fils à la Santé
ça ne t'empêche pas de croire
que l'on te doit la liberté
la montagne est grise camarades
la montagne est grise
j'entends un bruit de fusillade
de République à la Bastille
tu n'intéresses pas les gens
on n'emplit pas pour les Antilles
une rue de manifestants
voilà bien longtemps que ça dure
que l'on te méprise à Paris
où fleurit la littérature
qui te déguise en Paradis
la montagne est grise camarades
la montagne est grise
ils n'ont décrit que la façade
tu sais chanter la Marseillaise
comme gavroches en juillet
mais c'est celle de quatre-vingt-treize
qui promettait l'égalité
si l'on déforme le poème
si l'on feint de comprendre mal
tu sais bien préciser le thème
tu chantes l'Internationale
la montagne est verte camarades
la montagne est verte
quand vous faites des incartades.
(t et mél PR 1973, MMS 1976)
Voir dans la liste finale le lien pour écouter Guadeloupe
(2) chanté par Jean-Philippe Didier en MP3
(t et mél PR 1976, mus Jean-Philippe Didier 1983)
22 / O.R.T.F.
Ils se sont d'abord employés
à le faire haïr dans les coeurs
aux démagogues ils ont donné
toute l'antenne aux grandes heures
le mensonge ils ont imposé
et mis la bêtise en valeur
bien éclairé leur société
caché la vie des travailleurs
puis ils ont dit bien entendu
que le peuple n'en voulait plus
ils l'ont vendu
Ils ont dit vouloir faire chanter
la France le soir sur les ondes
mais ils voulaient que l'on confonde
populaire et populacier
ils en ont fait leur instrument
ils s'en sont servi sans scrupule
pour imposer leurs Présidents
pour faire avaler leurs pilules
puis ils ont dit bien entendu
que le peuple n'en voulait plus
ils l'ont vendu
Larzac Lip ils ont déformé
ils ont truqué les reportages
et ceux qui voulaient informer
se sont retrouvés au chômage
ils ont enterré Allende
avec son peuple réfractaire
et légitimé Pinochet
les premiers de toute la terre
puis ils ont dit bien entendu
que le peuple n'en voulait plus
ils l'ont vendu
Ils ont fait un pain quotidien
de la règle du copinage
ils ont placé tous leurs copains
aux commandes du sabotage
avec les bureaux les studios
ils ont vendu le personnel
moins un millier de marginaux
dont les plus vieux les plus fidèles
mais ils ont dit bien entendu
que le peuple n'en voulait plus
ils l'ont vendu
Demain prenons leur la parole
imposons
contre ces marchands
la liberté pour seule idole
l'image vraie pour nos écrans
(t et mél PR 1974, VPC 1989)
J'entendais depuis des années des discours et des chants de haine contre les français blancs qualifiés
de "faces de craie". Ça plaisait beaucoup à de prétendus anti-racistes et ça ne choquait pas les
donneurs de leçons des "grands" médias. Ça m'a donné l'envie d'écrire ce Chant des résistants
en m'inspirant du Chant des partisans d'Anna Marly, Joseph Kessel et Maurice Druon. Plus précisément de son interprétation
par Marc Ogeret, pour moi la plus belle. Anna Marly disait qu'à Londres on avait constaté qu'il était plus difficile
aux nazis de brouiller la diffusion sur les ondes quand les résistants "chantaient" bouche fermée. Pour
symboliser l'actuelle difficulté d'exprimer le refus d'islamisation de la France j'ai proposé qu'on "murmure"
de la même manière la musique des deux premiers vers entre le couplet 4 et la reprise :
23/ Chant des résistants
Ami entends-tu ces discours qui appellent à la haine
Ami entends-tu tous ces chants qui menacent sans gêne
Ohé braves gens ne restez pas dans la peur et les larmes
Soyez résistants, que d'autres cris d'autres chants soient vos armes
Ami entends-tu ces peuples révoltés qu'on fait taire
Vois-tu ces hivers qui chassent leurs printemps éphémères
Il est des pays où nos droits nos libertés on en rêve
Ici des dhimmis volontaires les piétinent les achèvent
Il est des pays où l'on cache et lapide des femmes
Ici c'est celui qui s'indigne que l'on juge et condamne
Laïcs authentiques de couleurs et d'opinions différentes
De la République refusez la soumission dégradante
Il est des micros que l'on tend à tous ceux qui déforment
Il est des radios des télés aux mensonges énormes
Ohé braves gens n'acceptez pas ce naufrage de la France
Soyez résistants, redessinez des chemins d'espérance
(musique des deux premiers vers bouche fermée)
Ami entends-tu ces discours qui appellent à la haine
Ami entends-tu tous ces chants qui menacent sans gêne
Ohé braves gens ne restez pas dans la peur et les larmes
Soyez résistants, que d'autres cris d'autres chants soient vos armes.
Septembre 2012
texte de Pierre Régnier
musique d'Anna Marly
24/ Je veux un arbre
Certains me parlent de mourir
après avoir vu Naples ou bien Venise
les berges du Danube ou de la Tamise
moi j'ai de plus simples désirs
je veux un arbre
certains me parlent d'oiseaux blancs
sur de très lointains continents
au-delà des grands océans
moi je n'en demande pas tant
je veux un arbre
J'ai peu de goût pour les départs
vers ce qui brille au loin de ma planète
la lune a déserté les chansons des poètes
et mon rêve ici-bas s'égare
je veux un arbre
certains me vantent l'univers
Mars ou Vénus ou Jupiter
c'est pourtant bien joli sur terre
un petit coin d'espace vert
je veux un arbre
Certains qui font de beaux discours
sur les vertus des peuples très modestes
disent qu'il faut savoir se contenter des restes
que le progrès fait chaque jour
je veux un arbre
ils me parlent éloquemment
de rendement d'alignement
de coûts et de financement
pas un mot du plus important
je veux un arbre
Plus ils me font de la morale
avec ce Dieu qu'ils ont fait de la science
plus ils me crient patience plus ils me crient silence
et plus l'idée fixe s'installe
je veux un arbre
ils me disent pas maintenant
ils me disent on n'a pas le temps
ils me disent autre chose avant
et puis ils m'offrent tant et tant
(parlé)
Montréal à trois heures
l'amour en trois secondes
le cinéma parlant
le relief la couleur
et puis chez moi le monde
sur un petit écran
je tourne un bouton de lumière
et je vois des forêts entières
(chanté)
mais laissez-moi vous le chanter
tout ça n'est pas encore assez
je veux un arbre
un vrai.
(t et mél PR 1973, MMS 1976)
25/ Chanson stupide
Des soldats s'étaient organisés en Comités pour exiger le droit de lire, dans les casernes, toute la presse autorisée à l'extérieur.
27 / mademoiselle Élémentaire
28 / Le temps
29/ Si c'était à refaire
30/ Dormez en paix
31/ Je vois j'entends
32/ Rêvez chantez 1/ Qu'allais-je faire ? (mélodie ici)
Ne sont pas reproduites ici les chansons du recueil Mourir moins sale : Note importante : le son des chansons interprétées ici par Jean-Philippe Didier est de très mauvaise qualité, très éloigné de ce qu'il était dans la bande originale qu'il avait enregistrée, et dont j'espère toujours qu'elle deviendra un CD mis à disposition de tous. Ce que je chante moi-même n'est qu'une indication de la mélodie. PR
contact : pierre.l.a.regnier@orange.fr. . . . réalisation du site et
mises à jour : Laurent Pottier
Dis-moi cousin
dis-moi cousin
avant les années quatre-vingts
est-ce que ça n'est pas des histoires
les petits poissons dans la Loire
et les plages de sable fin
est-vrai la pêche à la ligne
est-ce vrai les vergers les vignes
le vin fait avec du raisin
Dis-moi cousin
dis-moi cousin
est-ce vrai le vert des jardins
la transparence des fontaines
les céréales dans les plaines
le vrai pain dans les magasins
est-ce vrai le bleu dans le ciel
comme on voit sur les aquarelles
d'avant les années quatre-vingts
Dis-moi cousin
dis-moi cousin
ce qu'on dit dans les vieux bouquins
les papillons multicolores
le soleil annonçant l'aurore
en affolant le ciel marin
le chant des oiseaux des cascades
les silencieuses promenades
est-ce que c'est pas du baratin
Dis-moi cousin
dis-moi cousin
est-ce que c'est pas du baratin
les chamois courant la montage
l'herbe parfumée des campagnes
et la chaude odeur des sapins
la mousse tendre les fougères
les hauts murs habillés de lierre
la rosée du petit matin
(parlé)
Et les gens cousin
les gens
comment est-ce qu'ils étaient les gens
les gens d'avant les années quatre-vingts
(chanté)
Eh bien cousin
eh bien les gens
les gens d'avant
les années quatre-vingts
ils regardaient sur un écran
en blanc et noir ou en couleur
ils regardaient périr les fleurs
ils disaient que c'était navrant
ils regardaient des champignons
qui leur dévoraient l'horizon
ils suivaient jusqu'au dernier souffle
et puis ils chaussaient leurs pantoufles
et s'endormaient en nous plaignant
toi
moi
qui sommes leurs enfants.
(t et mél PR 1973, MMS 1976)
Au local du PSU, où je militais, une camarade me demande un jour :
- tu connaîtrais pas des gars qui chantent des chansons antimilitaristes ?
- heu... si, moi par exemple
- je ne plaisante pas, je dois faire le programme du meeting de soutien aux Comités de soldats, et j'ai très peu de temps
- heu... je ne plaisante pas, moi non plus, j'ai au moins deux chansons antimilitaristes
- et... tu les chanterais à la Mutualité ?
- heu... ben oui, pourquoi pas...
Je n'avais jamais fait ça. J'ai pris huit jours de congés, j'ai travaillé comme un fou deux fois deux accords à la guitare et c'est ainsi que, seul sur la grande scène de la Mutualité, j'ai ouvert le meeting... devant cinq ou six copains copines qui avaient pris soin d'arriver longtemps à l'avance pour être sûrs d'être les premiers à entrer dans la salle. Une heure plus tard, Joan-Pau Verdier enthousiasmait une Mutualité pleine à craquer.
Par la suite il ne m'a plus jamais été possible de chanter en m'accompagnant à la guitare. Mais Jean-Philippe Didier a enregistré une version très "rock" de Si la guerre (voir la liste des chansons).
26/ Si la guerre
Si la guerre ne me plaît guère
je suis un triste individu
sans aucun respect ni vertu
un parasite sur la terre
si je dis qu'en versant le sang
ça n'est pas exiger grand chose
que de vous demander la cause
d'un geste aussi peu ragoûtant
on me dit c'est pas tes oignons
t'es pas là pour la réflexion
Puisqu'on m'a mis dans la milice
et puisque je suis le moyen
je voudrais connaître la fin
pour décider si c'est justice
mais si je dis que l'ennemi
a la gueule plus sympathique
que le président d'Amérique
ou que ses complices d'ici
on me dit que mon compte est bon
et puis on me jette en prison
Le moral de mon général
est atteint par la liberté
de ne pas beaucoup apprécier
la morale de son journal
et si j'ose rêver tout haut
du droit de lire à la caserne
ou les princes qui nous gouvernent
ou de moins sinistres héros
on me dit pas de discussion
tu lis la presse des patrons
Que revienne ce temps de rêve
où les tristes individus
faisaient de très jolis pendus
pour les badauds place de grêve
c'est ce qui vous monte au cerveau
c'est ce qui hante les prières
que vous adressez à l'enfer
oui mais n'en attendez pas trop
les gourmets ne sont plus légion
qui goûtent la chair à canon
Et les philosophies barbares
les consciences colonisées
les sales guerres sanctifiées
je vous clame qu'on en a marre
il finira par triompher
sur les quatre coins de la terre
ce monde que nous voulons faire
de justice et de liberté
un jour proche nous vous ferons
une belle révolution
un jour proche nous gagnerons
une belle révolution.
(t et mél PR, MMS 1976)
mademoiselle Élémentaire
vous aviez choisi pour me plaire
les attributs de l'éphémère
et pourtant je ne peux défaire
ce lien qui ne vous plaisait guère
volatile comme l'éther
mais bien plus que lui délétère
mademoiselle Élémentaire
mademoiselle Souveraine
je vous avais couronnée reine
pourtant vous me laissiez sans gêne
espérer l'éternelle aubaine
et vous aimer à perdre haleine
puis vous passiez frôlant à peine
toutes mes nuits d'une semaine
mademoiselle Souveraine
mademoiselle Sensitive
pas farouche pas trop craintive
vous me meniez à la dérive
et puis glissaient comme l'eau vive
vos bras et vos hanches furtives
je vous trouvais un peu hâtive
et pas vraiment très émotive
mademoiselle Sensitive
mademoiselle Égratignure
vous me fîtes grave blessure
et c'est en moi poison qui dure
plus que d'un serpent la morsure
vous disiez des paroles dures
plutôt que les mots qui rassurent
vous aviez cruelle nature
mademoiselle Égratignure
mademoiselle Métaphore
plus irréelle qu'une aurore
vous passiez comme météore
dans ma vie qui en tremblait fort
puis vous laissiez un goût de mort
dans ma vie qui en tremble encore
mademoiselle sans remords
mademoiselle Métaphore
mademoiselle Élémentaire
vous aviez choisi pour me plaire
les attributs de l'éphémère
et pourtant je ne peux défaire
ce lien qui ne vous plaisait guère
volatile comme l'éther
mais bien plus que lui délétère
mademoiselle Élémentaire
(t PR, VPC 1989)
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
que nos idoles
dégringolent
et que tout seul
on en rigole
ou s'en désole
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
et que notre âge
prenne ombrage
de ces sourires
qui vont fleurir
d'autres visages
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
le temps
que nos vingt ans
passent à l'Histoire
et qu'au miroir
on n'ose voir
sans maquillage
tous ces ravages
de nos déboires
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
nous aurons tant
tant à relire
parmi ces pages
et ces images
nos souvenirs
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
le temps
que nos vingt ans
soient temps d'antan
nous aurons tant
et tant et tant
à Vivre
(t PR 1980, VPC 1989)
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin solitaire
sans ta main dans ma main
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin loin du tien
côté lumière il y avait
l'indicible qui dessinait
nos parallèles espérances
côté lumière il y avait
ce monde qu'on redessinait
et ces chants et ces transparences
il y avait de ces matins
où le jour souriait si bien
qu'on se voyait s'aimer au moins
des siècles de mêmes matins
il y avait il y avait et...
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin solitaire
sans ta main dans ma main
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin loin du tien
côté ténèbres il y avait
ces regards qui se dérobaient
et ces soupçons et ces colères
côté ténèbres il y avait
ces silences qui se voulaient
plus que paroles meurtrières
il y avait de ces matins
où l'éveil était incertain
ce goût de valise et de train
sans attendre le lendemain
il y avait il y avait mais...
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin solitaire
sans ta main dans ma main
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin loin du tien
il y eut cette trouble fête
et ce fut toi qui décida
qu'il te fallait en prendre ombrage
puis il y eut cette tempête
et ce fut moi qui décidai
que notre amour ferait naufrage
puis il y eut tous ces matins
où sans toi je n'étais plus rien
et ces nuits sans sommeil aucun
jusqu'à ce matin qui me vient
il y avait il y avait mais...
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin solitaire
sans ta main dans ma main
si c'était à refaire
je ne referais point
ce chemin loin du tien.
(t PR, mus Jean-Louis Blaire, VPC 1989)
dormez en paix
filles qui fûtent sans amour
filles aux longues longues nuits
sages et froides au creux du lit
filles auxquelles on ne fit pas vraiment la cour
dormez en paix
filles à peine regardées
filles dont les hommes ont joué
filles seules au petit jour
filles qui fûtent sans amour
dormez en paix
dormez en paix
vous qui viviez comme poètes
vous qu'on traitait de demeurés
vous qu'on disait fous à lier
vous qui d'un rien saviez faire éclore une fête
dormez en paix
vous qui osiez publiquement
vous instruire auprès des enfants
que d'autres visitent en cachette
vous qui viviez comme poètes
dormez en paix
dormez en paix
vous qui ne pouviez pas dormir
tant qu'un homme était insulté
tant qu'un gosse était affamé
tant que vie quelque part était aussi martyr
dormez en paix
tous ceux dont le temps fut compté
en jours en années sacrifiés
sans repos le temps d'un soupir
vous qui ne pouviez pas dormir
dormez en paix
dormez en paix
vous qui mourez de triste mort
après avoir tant disputé
la vérité la liberté
aux nombreux encenseurs de la loi du plus fort
dormez en paix
vous dont les années de prison
n'ont pas étouffé la passion
vous dont la vie nous aide encore
très longtemps après votre mort
dormez en paix.
(tPR, MMS 1976)
Je vois je vois
ces garçons qui font une ronde
tous ces rires qui se répondent
et qui mettent en fête le ciel
le gracile ballet des filles
et la joie dans leurs yeux qui brillent
en jetant cent mille étincelles
je vois je vois
un nouveau printemps qui bourgeonne
un soleil tout neuf qui rayonne
qui sans cesse se renouvelle
ces amants du bord de la seine
qui s'embrassent à perdre haleine
et qui font la seine éternelle
je vois je vois
le papillon qui se délivre
l'arbre mourant qui va revivre
dans la grande ivresse d'avril
ton coeur généreux qui s'affole
dès qu'un oisillon se désole
je vois je vois
un éblouissant catalogue
oui mais j'entends
tout mon passé qui m'interroge :
qu'as-tu fait de ces beaux serments
à toi-même au temps de l'enfant ?
Je vois je vois
le maquereau qui déambule
l'enfant qu'enlève une crapule
et ceux pour qui c'est une affaire
dans la presse on se congratule
on compte ce qu'on accumule
avec de très nobles manières
je vois je vois
ces gens que ma ballade accuse
qui voudraient museler ma muse
avec plus ou moins de franchise
ces pauves qui courbent l'échine
qui se résignent qui s'inclinent
devant la brutale bêtise
je vois je vois
la boule tourne plutôt mal
beaucoup trouvent ça très normal
leurs habitudes les abusent
je vois la lune qu'on visite
ici-bas l'homme qu'on évite
en cherchant là-haut des excuses
je vois je vois
mon insouciance qu'on déloge
et puis j'entends
tout mon passé qui m'interroge :
qu'as-tu fait de ces beaux serments
à toi-même au temps de l'enfant ?
(t PR, VPC 1989)
Éveillez vos muqueuses aux parfums des semaines
épanouissez vos gestes maîtrisez votre gêne
élaguez vos rancoeurs vos aigreurs quotidiennes
déchirez vos calculs jetez vos bas de laine
Décrassez le présent fouillez vos souvenances
retrouvez le regard qui couva votre enfance
faites-en garde-fou contre la peur des autres
soyez votre invité soyez le meilleur hôte
Chantez le rire clair chantez la joie profane
chantez la rose offerte qui jamais ne se fane
chantez la jacquerie où le chant des guitares
brûlera l'imbécile royaume du dollar
Enfantez l'innocence enfantez l'insolence
sortez-les dans la rue les soirs de connivence
chantez le poing tendu contre qui vous méprise
qui censure vos rêves et qui vous amenuise
Chantez la fin de l'homme dressé contre lui-même
la fin des castrations et la fin des carêmes
chantez le poing tendu votre amour fou d'un monde
où les hommes s'appellent s'entendent se répondent
Rêvez de sang mêlé rêvez jeux de couleurs
faites en rêvant haut de vos rêves rumeurs
rêvez d'autres semences rêvez d'autres labours
rêvez la grande grêve rêvez le non-retour
Groupez vos cris vos colères vos évidences
faites feu d'artifice faites feu de jouissance
que chaque belle rouge que chaque belle verte
sur horizon d'amour vous soit portes ouvertes
Chantez le poing tendu votre amour fou d'un monde
où les hommes s'appellent s'entendent se répondent
Et puis
n'en restez pas au chant !
(t et mél PR, mus Jean-Philippe Didier, VPC 1989)
2/ Le publiphobe (Chanté ici)
3/ L'enfant kabyle (Chanté ici)
4/ La galère
5/ Au premier accord de guitare (mélodie ici)
6/ Aux bourgeons du calendrier
7/ Guadeloupe (1)
8/ Mon beau voilier blanc (mélodie ici)
9/ Vie ratée (mélodie ici)
10/ Ma femme n'est pas bien faite (mélodie ici)
11/ Au creux de chacun de nous (mélodie ici)
12/ Gabiers des vieux bâtiments (Chanté ici)
13/ J'erre et j'aime en vers (mélodie ici
)
14/ On est embarqué
(mélodie ici)
15/ Si tu veux me revenir (mélodie ici)
16/ L'enfant (mélodieici)
17/ Etranger à Tizi-Ouzou (mélodie ici)
18/ Dieu n'est pas mort (mélodie ici)
19/ à Abdessatar (mélodie ici)
20/ L'enfant en voyage
21/ Guadeloupe (2) (Chanté ici)
22/ O.R.T.F.
23/ Chant des résistants
24/ Je veux un arbre
25/ Chanson stupide (Chanté ici)
26/ Si la guerre (Chanté ici)
27 / mademoiselle Élémentaire
28 / Le temps
29/ Si c'était à refaire
30/ Dormez en paix
31/ Je vois j'entends
32/ Rêvez chantez (mélodie ici)
- J'aime la guerre
- C'est pas brillant
- Mon plus bel âge
- Que s'est-il donc passé ?
- La corde au cou
Ne sont pas reproduites les chansons du recueil Vivre plus clair :
- Enfantine
- Chanson réac
- Angoisse
- A demain
- Manif
- Chanson d'un gardien de prison qu'a pas perdu son coeur et sa cervelle en trouvant du boulot
- Marie